jeudi 12 juin 2008

L’ESPRIT DE MAI

L’esprit de mai. Expression fleurie, aux fragrances variées. Elle évoque pour toutes et tous souvenirs, espoirs ou désillusions. Naturellement est sous-entendu l’année : 1968. Et pourtant, dix ans auparavant se déroulèrent des évènements déterminants pour l’avenir de la nation. Qui se souvient encore de mai 1958, tout aussi décisif pour la France que l’effervescence de la jeunesse frustrée de la fin des sixties ? Du putsch d’Alger au retour du Général de Gaulle, de la disparition de la pathétique IVe République à la création de la Ve, voila pour un cinquantenaire éclipsé jusqu’à présent par le bruit et la fureur des années rebelles. Entre ces dix années, tout un monde, rendu possible justement par une modernisation des institutions. Un point commun : l’esprit de révolte, cette nécessité d’avancer contre des immobilismes intolérables. Deux générations suivantes, on vénère d’autant mieux le passé qu’il est devenu fantôme. Mai incarne désormais le mois de vacances avant les vacances. Entre les nombreux jours fériés prolongés de ponts et les derniers jours de congés payés annuels à prendre avant le 31 mai, il s’agit de se montrer le plus futé pour être absent de son bureau un maximum de temps. Certains se débrouillent mieux que d’autres. Ainsi l’Education Nationale appelle-t-elle à la grève le 15 mai, il restait un jour dans le mois où l’on travaillait. Avec un peu de chance, le mouvement peut prendre de l’ampleur, certains lycéens escomptant bien relever le flambeau non pas de la flamme olympique, mais de l’esprit de mai, le mois de vacances avant les vacances. Catastrophe ! Le ministre Darcos veut briser l’élan en imposant le service minimum d’accueil. Casseur de grève, que faisais-tu en mai 68 ? As-tu oublié le plaisir des barricades, les A.G improvisées où l’on pouvait dire n’importe quoi, la plage sous les pavés ? Certes, le SMA (la peste soit de ces apocryphes) ne concerne que les écoles primaires mais tout de même, on ne peut tolérer ce dénigrement du Droit de Grève. Heureusement qu’à Paris, Seigneur Bertrand, l’ami du Dalaï-Lama, a pris fait et cause pour protéger ses gueux des dérives du pouvoir élyséen. La capitale, chacun le sait, est réputée pour faciliter la vie des fonctionnaires ; les autres parisiens, ils votent à droite, c’est dire s’ils n’existent pas. Quant aux enfants, quelle importance, c’est le mois des vacances avant les vacances, ils trouveront logique d’enchaîner les jours de congés. Et en 2048, l’esprit de mai embaumera si fort notre société désintégrée que le brin de muguet lyophilisé vendu en pharmacie désignera le premier jour des vacances d’été. Fermeture obligatoire pour quatre mois de la société française. Réclusion organisée dans des lieux sécurisés pour échapper à la pollution estivale. Cryogénisation alternée pour laisser la Terre en jachère. Alors, les syndicats et la gauche derrière son vieux leader Besancenot se dresseront pour protester contre l’atteinte au droit de grève perpétrée par cette nouvelle technologie de la conservation du travail. Fidèles à l’esprit de mai.

@ 04 mai 2008

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je viens de lire plusieurs articles de votre blog et franchement...vous me faites fliper!! Humanisme (humanité?) ou es-tu? sûrement pas ici, sur ce blog...circuler, y a rien à voir, apprendre, sentir, ressentir sur ce blog..à part peut être de la tristesse.
Il est des lectures qui vous font désesperer de la nature humaine..
:(