jeudi 12 juin 2008

EXHIBITIONNISME

Homme ou femme de gauche, vous ne saviez pas comment célébrer dignement les vingt-sept ans du 10 mai 1981 ? Réjouissez-vous, le dernier avatar de la révolution rouge s’est invité chez vous dimanche dernier par le petit trou de la lucarne magique. Le leader de la ligue communiste révolutionnaire a choisi le service public et Michel Drucker pour fabriquer de nombreux prosélytes. Sincère et charismatique, selon les propres termes de l’animateur, Besancenot n’a peut-être pas crevé l’écran, mais il a réussi une mystification remarquable en psalmodiant des diatribes anti-capitalistes et anti-Sarkozy, tout heureux de se voir octroyer si belle tribune. Il a compris, à la différence de certains de ses camarades du parti, que dans une élection comptent désormais à parts égales la notoriété et le capital sympathie. Pour ce qui est des idées, 80% des électeurs n’y comprennent rien, sauf à ce qu’elles renvoient concrètement à leur quotidien. Alors, chers amis de la gauche révolutionnaire, profitez des tribunes populaires pour asséner vos énormités avec le sourire ou la bouche en cœur. La démocratie cathodique vous y encourage, et vous serez récompensés au centuple dans les sondages. Reste un point sur lequel il ne peut être question de transiger : les atteintes à la vie privée. On ne rit plus du tout. Un cliché dans la presse ne me plait pas, tribunal. Une petite phrase m’agresse, diffamation. On m’a surveillé à mon insu, plainte contre X. La gauche n’hésite plus à faire appel à la justice pour obtenir réparation des affronts et des abus subis. Mais quand on est personnage public, où s’arrête la frontière avec la vie privée ? C’est simple : c’est au bon vouloir du pipole. Pratique, comme si un exhibitionniste se plaignait au commissariat du coin d’être observé par son voisinage lorsqu’il en assez. On savait la société française en marche forcée vers une judiciarisation à l’américaine. Il faudra désormais tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler, relire encore et encore son article avant de le publier et analyser chaque photographie avant l’impression. Sinon, un procès. Soyons honnête, ce n’est pas nouveau, et certain haut dirigeant de droite y a eu recours il n’y a pas si longtemps.... Cependant, certaines personnes que je ne nommerai par pour ne pas prendre de risque (courageux mais pas téméraire), certaines personnes donc se parent dans leur vertu pour insulter à qui mieux mieux gouvernement et présidence puis n’hésitent pas au moindre écart de langage les impliquant à riposter par voie judiciaire. Cette défense manque singulièrement de panache, et s’il ne s’agit pas de remettre au goût du jour les duels au sabre pour laver l’honneur perdu, on pourrait espérer plus de fair-play et d’esprit dans les affrontements entre les représentants de la nation. Les bons mots et joutes de saillie feraient grand bien à ceux qui prétendent nous diriger aujourd’hui et dans le futur. L’humour a disparu de la politique, fondant plus vite que les pôles sous l’effet de serre, nous laissant orphelin d’une tradition française pourtant solidement établie et aujourd’hui incarnée par le seul André Santini, dans le rôle ingrat de dernier grognard de l’esprit français. Un jour, ce bastion cédera et les avocats se frotteront les mains. Non seulement on ne pourra plus rire de tout, mais on ne pourra plus rire du tout, sous peine de finir sa vie SDF ou en prison. Heureusement, il y aura toujours la télé en cellule, et on pourra se moquer des politiciens sans crainte de représailles en riant sous cape.

@ 11 mai 2008

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