jeudi 12 juin 2008

« Le téléphone portable est-il dangereux pour la santé ? » Le Figaro.fr et Le Parisien, 9 février 2008

Une étude fort sérieuse menée par des chercheurs de l’Université de Clermont-Ferrant montre qu’après une exposition de seulement dix minutes aux ondes électromagnétiques émises par un téléphone portable, le sujet secrète la molécule du stress. L’expérience n’a cependant eu lieu que sur des tomates, dont on connait la propension à rougir à la moindre contrariété. Certains affirment même que les SMS subissent un puissant effet boomerang et peuvent revenir à leur expéditeur non pas sur son portable, mais sur des sites de la presse d’information. Cet incident n’a toutefois pas été confirmé. Faut-il donc se méfier de ce gri-gri, adopté par 48 millions de français, indispensable compagnon de toutes les sorties ? Nous avons tous oublié à quoi ressemblait notre société sans Nokia, Sony Ericsson ou leur avatar Blackberry. Les adolescents ne pouvait utiliser l’excuse de la rapidité et de l’économie pour dissimuler leur pauvreté linguistique et grammaticale : « té chanmé : dsl mé c bon kan c cour». Il était inutile d’inventer sans arrêt des histoires pour ne pas dévoiler qui à sa femme, qui à son patron, que l’on ne se trouvait pas à l’endroit prévu. On n’entendait pas encore dans les bus ou dans les files d’attente des conversations privées aussi définitives que « oui, je prends du pain en rentrant » ou « t’es où, toi ? Moi, je suis chez le boucher. » Les rares humains à se balader dehors avec des objets en plastique figés dans l’oreille étaient les malentendants dotés d’une oreillette correctrice, et elles clignotaient rarement. Certains privilégiés arboraient leur valise Radiocom 2000 et tels des reporters au cœur du Sahara pouvaient contacter, en général de leur voiture sans peur du gendarme, le bureau, la femme ou la maitresse. Télévision, téléphonie mobile et internet, les trois Parques régénérées tissent les toiles invisibles du destin des humains. Leurs mailles nous emprisonnent. La dépendance à la communication, addiction moderne, réduit notre libre-arbitre sans avoir l’air d’y toucher : la pensée unique, plus exactement majoritaire et tyrannique, bien sur, et son corollaire, le ressenti émotionnel. Plus la technologie permet la découverte, l’échange, le partage, plus les hommes veulent contrôler ces bienfaits, appelant à la barre un irréfutable témoin, la transparence de l’information. Il faut tout dire, tout montrer, tout révéler. « Pas de zones d’ombre » devient « pas d’intimité », « pas de mensonge » devient «il faut exhiber ». Les nouveaux apôtres se nomment téléréalité, presses à scandales (on ne dit plus torchon), blog, et mêmes site internet de journaux réputés sérieux. Symbole d’une société décadente, cette nouvelle pornographie se nourrit des pires inclinations humaines, s’abreuvant aux âmes mal nées et neurasthéniques. Notre jeunesse en manque de défi se débat dans cet univers ourdi pour elle, ignorant qu’Atropos est au bout du fil, en attente de raccrocher au nez de chacun de nous. Alors en ce cas, oui vraiment, le portable est vraiment mortel.

@13 février 2008

Aucun commentaire: