dimanche 22 juin 2008

L’EUROPE, UNE NOUVELLE PATRIE ?

Entrez dans le premier bistro venu et vous rencontrerez, accoudés au comptoir, dégustant un crème ou une pression, un sélectionneur de l’équipe de France de football en grande discussion avec un président de la République. Quelques rues plus loin, un premier ministre et un autre sélectionneur s’indigneront de l’incompétence des personnes en poste. La tradition française n’a pas que du bon, mais elle survit durablement aux modes et aux changements de société. Depuis Astérix, nous autres gaulois râlons. Le râleur possède sans aucun doute les gènes dominants parmi les plus puissants pour les imposer à toutes les ethnies venues se métisser sur notre sol. La période actuelle est évidemment extrêmement propice à la rouspétance, entre l’élimination de l’Euro foot et la hausse du prix des carburants. A une semaine de la présidence française de l’Europe, dont l’Elysée souhaite faire grand cas, le temps est venu d’exhiber nos qualités à la face du monde : l’esprit critique, la morgue et l’individualisme. Pour rester sur un des deux sujets de prédilection de l’hexagone, le football, je me permettrais une remarque qui serait du plus bel effet au café du commerce. Depuis plusieurs années, nos ambassadeurs du ballon rond ne chantent pas la Marseillaise à l’unisson lorsque l’hymne retentit dans le stade. Entre ceux qui ânonnent, ceux qui gardent bouche close et les rares qui s’égosillent, comme Lilian Thuram, dont on ressent que jouer pour son pays signifie énormément, l’hétéroclisme est de mise. Il aura fallu le canular d’un amuseur pour qu’une fois, une seule fois, l’équipe de France pose la main sur le cœur et glorifie sa patrie aux yeux du monde. Or, ce comportement se distingue de celui des autres nations, de l’Italie à l’Espagne, de l’Allemagne au Pays-Bas, sans parler de la Turquie ou de la Croatie. Ce qui peut n’être qu’un détail insignifiant au premier abord retentit à mes oreilles comme la trompette de l’échec patriotique. Trop souvent confondu avec le nationalisme, sous la plume intentionnelle de la gauche internationaliste dans la première moitié de XXe siècle, et ainsi stupidement réduit à une valeur de la droite extrême, le patriotisme constitue le ciment irremplaçable entre les citoyens d’un même pays. A la différence du nationalisme, il est soluble dans l’Europe, qui deviendrait alors la nouvelle entité pour laquelle tout un chacun est prêt à se battre. Il y a loin de la théorie à la pratique et souhaiter un patriotisme européen ne revient pas à croire que cette utopie est possible. Pour lui donner un semblant de chance, il aurait fallu déjà commencer par instituer il y a de nombreuses années une conscription paneuropéenne. On pourrait imaginer la remplacer avantageusement par des échanges interscolaires dès la classe de sixième, avec un trimestre consacré à un enseignement européen dans un pays d’accueil pour tous les élèves. Ouvrir les nouvelles générations à la proximité géographique et aux différences culturelles serait une avancée irrésistible vers une construction voulue par tous et non imposée par quelques-uns. Je trouve honteux de stigmatiser les Irlandais, coupables de déjouer les plans d’une élite politique, et de nier leur choix en leur demandant de revoter jusqu’à ce qu’ils acceptent le texte. Autant bourrer les urnes à l’avance ! De grâce, profitons de cette Présidence française pour orienter l’Europe vers une direction harmonieuse. Si cela est encore possible…

@ 22/06/08

LE TRAVAIL REDEMPTEUR

Le candidat Sarkozy l’avait annoncé, il allait remettre la France au travail. Après quelques errements, nous voici repartis dans le droit chemin. La réforme des 35 heures, ciment de la droite, va-t-elle enfin voir le jour ? Début juin, les ministres de l’Emploi des 27 pays de l’Union Européenne ont fixé les règles afin de faciliter le travail à la carte : mieux encadré selon Xavier Bertrand, le temps de travail pourrait, sur la base du volontariat, atteindre les 60 heures. Au Parlement de prendre ses responsabilités pour accroître cette liberté en votant à l’unanimité en faveur de cette mesure. Syndicats et gauche tentent de contrecarrer cette indispensable adaptation au monde contemporain en se plaçant sur le terrain du social, du sens de l’Histoire et de la protection de la santé : régression voire semi-esclavage, selon une socialiste espagnole, quand l’époque est à la vie de famille. Cette réaction illustre admirablement la fracture principale entre la gauche et la droite, une frontière protégée par des convictions plus infranchissables que des barbelés. La caricature de l’autre s’impose comme argument incontestable, renvoyant aux pires heures du capitalisme : les patrons exploitent, les travailleurs subissent. Les privilégiés grossissent, les salariés dépérissent. A traits à peine moins grossiers, nos syndicats nous expliquent la fin du modèle social européen. Le ridicule ne tue plus, tant mieux. En France, la mère des 35 heures, Martine Aubry, renaît icône de ce monde plus humain, amassant au passage des points pour la conquête du parti socialiste. Effet d’aubaine inespéré pour l’ancien numéro 2 du gouvernement Jospin, qui devient fort logiquement une alternative crédible au poste de premier secrétaire du PS. On peut se réjouir de la bonne santé de notre démocratie quand la diversité des opinions est aussi tranchée. On peut également s’étonner d’une vision aussi tronquée de la réalité sociale, 20 ans après la chute du mur de Berlin et l’effondrement du bloc de l’Est. La fin de notre monde s’approche à la vitesse de la lumière : avec la surpopulation et l’épuisement des ressources naturelles utiles et connues, sonne à notre porte le tocsin de la famine, héraut des guerres, et source des flux migratoires accrus du sud vers le nord. Cette situation terrifiante suggère deux attitudes : profiter maintenant de nos richesses, avec nos proches, en refusant un système qui a échoué à fabriquer un avenir radieux pour tous. C’est un renoncement au futur, mais aussi un rejet du passé, désigné coupable de notre présent chaotique. On peut également croire dans la vertu du travail, sans être dupe du système, mais en se reposant sur la force du progrès. Les vieux adages, outre qu’ils nous replongent dans de mythiques âges d’or, recèlent une puissance évocatrice bien utile quand le découragement survient. Si tous les gars du monde voulaient se donner la main…me revient en tête, et malgré sa naïveté apparente, cet espoir dans l’humain, enterré par les cinquante premières années du XXe siècle, ne doit jamais nous quitter. Nous sommes une génération privilégiée, dont les aïeux ont payé le prix du sang pour nous permettre de vivre libre. Nous sommes leurs débiteurs, et cette dette se remboursera en construisant pour nos descendants un monde dont ils seraient fiers, fondé sur les valeurs du travail, de la liberté et de la fraternité.

@ 15/06/08

jeudi 12 juin 2008

UN NOIR A LA MAISON BLANCHE

Un noir à la Maison Blanche ? Pas tout à fait, et de nombreux observateurs prédisent une victoire facile pour le Républicain John Mc Cain le 4 novembre prochain face à son opposant démocrate Barack Obama. Pour autant, une élection n’est jamais gagnée avant d’être jouée, aux Etats-Unis plus qu’ailleurs, tant le système des Grands Electeurs peut altérer un résultat : où en serait le réchauffement de la planète si Al Gore, conformément à sa victoire en nombre de voix, avait été élu Président en 2000 ? L’essentiel n’est pas la. Un afro-américain candidat à l’élection présidentielle, soutenu par le parti démocrate et donc des millions d’américains, voici la preuve d’une maturité sociétale dont de nombreuses nations devraient s’inspirer. A commencer par la notre. Combien y-a-t-il eu de ministres noirs issus de l’immigration dans les gouvernements français de ces trente dernières années ? Michel Noir ne compte pas. Et
ce n’est pas faire injure à Rama Yade de dire qu’elle est d’abord une jeune et jolie femme avant d’être noire. Entendons nous bien : il ne s’agit pas de chanter avec Nino Ferrer « Je voudrais être noir » ni d’insinuer que la couleur de peau a une quelconque incidence sur les compétences, ou encore que le pouvoir d’achat des français se porterait mieux si les ancêtres de Nicolas Sarkozy venaient du Cameroun plutôt que de Hongrie. Un présidentiable noir en 2012 semble chimérique, tout autant qu’un premier ministre ou un ministre des finances. Toujours prompts à railler l’oncle Sam pour ses exubérances, nous venons de recevoir une leçon d’intégration de cet allié dont on oublie trop souvent l’énorme travail accompli sur le terrain et dans les médias pour amender les esprits des red necks, cette frange de la population qui n’a jamais quitté son Etat. La série 24 (24 heures chrono en France), qui existe depuis sept ans, a installé dans le fauteuil du bureau ovale un noir, à la fois bienveillant et ferme, avant de le faire assassiner par des traitres à la patrie ; cinq ans plus tard, son frère reprenait le flambeau dans la grande tradition mythique des Kennedy. Quand on sait que cette série a servi de base de réflexion très sérieuse sur l’usage de la torture dans une démocratie en temps de paix auprès des juges américains les plus éminents, et ce dans plusieurs colloques internationaux, on peut imaginer l’impact subconscient d’une situation fictionnelle sur les cerveaux les plus perméables aux images. Impossible de concevoir la moindre comparaison avec la France, hormis dans le cadre de la science-fiction, qui n’est pas le genre préféré de nos compatriotes cartésiens… Faut-il s’en inquiéter ? Assurément car comme souvent dans l’hexagone, nos experts confondent lutte contre la xénophobie et contre la discrimination, et politique d’intégration. Insulter une personne sur la base de sa religion, son origine ethnique ou la couleur de sa peau est considérée comme une offense d’une gravité extrême, passible de prison. L’absolue défense de la victime, fondement du droit français, est à mon sens une fois encore source d’effets pervers dommageables : à vouloir perpétuellement se repentir d’une Histoire volontairement mal interprétée, nous obérons chaque jour un peu plus l’avenir d’une vieille nation dont les racines mixtes et variées doivent constituer les fondements d’une Europe puissante, unie et clairement identifiée géographiquement.

@ 08 juin 2008

MARIAGE DERANGé

Quelques mois à peine après l’union de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni, un mariage provoque à nouveau un raz-de-marée de commentaires parmi les politiques. Un mariage ou plus exactement l’annulation d’un mariage. Aucun people concerné, d’ailleurs les noms des personnes ne sont jamais cités. Toujours prompts à s’émouvoir des atteintes aux droits de la femme, tous nos parangons de justice de droite et de gauche condamnent la décision du tribunal de Lille, à l’exception notable du garde des Sceaux. Or la justice n’a fait qu’entériner un accord d’annulation entre les deux époux, dont on sait seulement qu’il se fondait sur la dissimulation par la femme de la perte de sa virginité avant le mariage. Le tribunal s’est donc prononcé sur la base du mensonge pour annuler l’union, mais n’a jamais porté de jugement sur la chasteté prénuptiale de l’épouse. Il est donc aberrant de tirer sur le pianiste. Ce n’est pas la décision de justice qu’il faut critiquer, et nous ne sommes pas à Kandahar. En revanche, nos représentants auraient tout intérêt à s’interroger sur une société laïque qui continue en 2008 à autoriser des attentes sexuelles et des pratiques matrimoniales archaïques et coercitives. La tolérance est un échec qui a fait ses preuves depuis Munich 1938. Face à des religions, des formes de pensée ou des régimes politiques irrespectueux des libertés octroyées par les démocraties, nul ne peut plus, nul ne doit plus être tolérant. Il s’agit d’une question de survie pour notre société. Les règles doivent être les mêmes pour tous, et elles doivent être appliquées avec les mêmes égards et la même sévérité pour tous. Catholique, musulman, juif ou bouddhiste pourquoi pas, mais ne demandez pas à l’Etat de gérer vos singularités. Pour autant, la pensée unique frappe une nouvelle fois. Quel scandale qu’un homme attende d’une femme qu’elle soit vierge avant le mariage ! Et si cette femme le souhaite ardemment, est-elle forcément l’objet d’une pression machiste ? Au nom de quoi porte-t-on un jugement de valeur sur la sexualité ? Ah oui, on ne fait pas toute une histoire pour un homme, c’est vrai. L’homme peut faire ce qu’il veut, sans risque d’être lapidé, condamné, méprisé. Exact. Résidu de la préhistoire qui n’est pas encore terminée, la domination physique du male sur la femelle s’impose comme l’évidence (si l’on excepte les années communistes de la RDA). Imaginons maintenant une société où la femme réclame l’annulation du mariage car son conjoint ne possède pas une virilité suffisante. Est-ce envisageable, est-ce condamnable ? C’est surtout peu crédible, car à moins qu’on ne force le mâle à exhiber l’objet du délit, il niera forcément être dépourvu d’un attirail de qualité. Heureusement, les interrogatoires des juges étant désormais filmés, il suffira à un astucieux producteur de coproduire avec un tribunal de province une délicieuse émission de télévision pour rendre l’aventure nettement plus délectable.

@ 01 juin 2008

LE SURREALISME TRIOMPHANT

André Breton l’avait rêvé, le XXIe siècle l’a réalisé : le surréalisme a triomphé dans nos sociétés. Ce mouvement subversif fondé sur l’écriture automatique connait de nos jours un aboutissement imprévisible. Breton appelait de ses vœux l’alliance du réel et de l’imaginaire : il suffit de lire les pages d’accueil sur le net de n’importe quel quotidien pour constater la réalité de cette victoire. Les titres de une défilent sans lien apparent, comme si des idées incongrues, terribles, inutiles, amusantes, traversaient l’esprit d’un démiurge inassouvi. Tremblement de terre en Chine, Raz de marée en Birmanie, Royal candidate au PS, dernière journée du championnat de France de football, Woody Allen à Cannes, Naples sous les poubelles, la déforestation de l’Amazonie continue, grève des pécheurs… La qualité dans la quantité ou une liste à la Prévert, toujours dans les bons coups dès qu’il s’agit de jouer avec les paroles. Einstein pourrait être convié à cet exorde, afin de démontrer que la relativité n’est pas un vain mot et qu’à rendre les cadavres exquis, les nouveaux surréalistes de la toile en oublient la hiérarchie. Mais quelle est-elle ? Le bon peuple, qui résiste du fonds des âges, adore toujours les mêmes idoles : sportifs/guerriers, Cannes/Dionysies, comédiens/tragédiens, et acclame et conspue les mêmes dirigeants : président/tyran/stratège, Assemblée/Ecclésia. S’il s’émeut du sort des victimes de la nature, grâce à la puissance émotionnelle véhiculée par les médias, il oublie jusqu’à leur existence une fois les feux des projecteurs éteints. Il trie ses déchets, donne son aide bénévole pour nettoyer les plages, conspue les conducteurs de 4x4 mais regarde avec des yeux vides son oxygène s’évaporer depuis l’Amérique du Sud. La famine revient en force, et le diesel coute aussi chez que l’essence. Quelle est la priorité ? Le PSG, l’Euro Foot qui se profile, les Jeux Olympiques en direct ou le flash sur la dictature militaire au Myanmar. Il aura donc fallu un cyclone, responsable de 134 000 morts pour que l’Occident s’intéresse à nouveau à un pays écrasé depuis près de vingt ans pas une armée sanguinaire. Cela ne durera pas, tout doit rentrer dans l’ordre prochainement. Roland-Garros s’échauffe porte d’Auteuil, quelques poussées d’adrénaline sur les bancs de l’Assemblée, des échanges en couleur entre sarkozystes et socialistes, deux trois manifs avant l’été et la France peut se rendormir au soleil de son mécontentement chronique de vieille nation neurasthénique. Cela vous semble surréaliste ? Je suis sur que non, car rien n’est original ni choquant dans cette péroraison. Il ne peut y avoir de prise de conscience collective car la masse n’est que négativité. En ce sens, le web incarne exactement la société moderne : instantanée, boulimique, désordonnée, foisonnante, incontrôlable. Et avec une mémoire intrinsèque qui devrait sédimenter son histoire mais qui se noie dans les sables mouvants de l’urgence de la nouveauté. Ceci n’est pas notre temps.

@ 18 mai 2008

EXHIBITIONNISME

Homme ou femme de gauche, vous ne saviez pas comment célébrer dignement les vingt-sept ans du 10 mai 1981 ? Réjouissez-vous, le dernier avatar de la révolution rouge s’est invité chez vous dimanche dernier par le petit trou de la lucarne magique. Le leader de la ligue communiste révolutionnaire a choisi le service public et Michel Drucker pour fabriquer de nombreux prosélytes. Sincère et charismatique, selon les propres termes de l’animateur, Besancenot n’a peut-être pas crevé l’écran, mais il a réussi une mystification remarquable en psalmodiant des diatribes anti-capitalistes et anti-Sarkozy, tout heureux de se voir octroyer si belle tribune. Il a compris, à la différence de certains de ses camarades du parti, que dans une élection comptent désormais à parts égales la notoriété et le capital sympathie. Pour ce qui est des idées, 80% des électeurs n’y comprennent rien, sauf à ce qu’elles renvoient concrètement à leur quotidien. Alors, chers amis de la gauche révolutionnaire, profitez des tribunes populaires pour asséner vos énormités avec le sourire ou la bouche en cœur. La démocratie cathodique vous y encourage, et vous serez récompensés au centuple dans les sondages. Reste un point sur lequel il ne peut être question de transiger : les atteintes à la vie privée. On ne rit plus du tout. Un cliché dans la presse ne me plait pas, tribunal. Une petite phrase m’agresse, diffamation. On m’a surveillé à mon insu, plainte contre X. La gauche n’hésite plus à faire appel à la justice pour obtenir réparation des affronts et des abus subis. Mais quand on est personnage public, où s’arrête la frontière avec la vie privée ? C’est simple : c’est au bon vouloir du pipole. Pratique, comme si un exhibitionniste se plaignait au commissariat du coin d’être observé par son voisinage lorsqu’il en assez. On savait la société française en marche forcée vers une judiciarisation à l’américaine. Il faudra désormais tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler, relire encore et encore son article avant de le publier et analyser chaque photographie avant l’impression. Sinon, un procès. Soyons honnête, ce n’est pas nouveau, et certain haut dirigeant de droite y a eu recours il n’y a pas si longtemps.... Cependant, certaines personnes que je ne nommerai par pour ne pas prendre de risque (courageux mais pas téméraire), certaines personnes donc se parent dans leur vertu pour insulter à qui mieux mieux gouvernement et présidence puis n’hésitent pas au moindre écart de langage les impliquant à riposter par voie judiciaire. Cette défense manque singulièrement de panache, et s’il ne s’agit pas de remettre au goût du jour les duels au sabre pour laver l’honneur perdu, on pourrait espérer plus de fair-play et d’esprit dans les affrontements entre les représentants de la nation. Les bons mots et joutes de saillie feraient grand bien à ceux qui prétendent nous diriger aujourd’hui et dans le futur. L’humour a disparu de la politique, fondant plus vite que les pôles sous l’effet de serre, nous laissant orphelin d’une tradition française pourtant solidement établie et aujourd’hui incarnée par le seul André Santini, dans le rôle ingrat de dernier grognard de l’esprit français. Un jour, ce bastion cédera et les avocats se frotteront les mains. Non seulement on ne pourra plus rire de tout, mais on ne pourra plus rire du tout, sous peine de finir sa vie SDF ou en prison. Heureusement, il y aura toujours la télé en cellule, et on pourra se moquer des politiciens sans crainte de représailles en riant sous cape.

@ 11 mai 2008

L’ESPRIT DE MAI

L’esprit de mai. Expression fleurie, aux fragrances variées. Elle évoque pour toutes et tous souvenirs, espoirs ou désillusions. Naturellement est sous-entendu l’année : 1968. Et pourtant, dix ans auparavant se déroulèrent des évènements déterminants pour l’avenir de la nation. Qui se souvient encore de mai 1958, tout aussi décisif pour la France que l’effervescence de la jeunesse frustrée de la fin des sixties ? Du putsch d’Alger au retour du Général de Gaulle, de la disparition de la pathétique IVe République à la création de la Ve, voila pour un cinquantenaire éclipsé jusqu’à présent par le bruit et la fureur des années rebelles. Entre ces dix années, tout un monde, rendu possible justement par une modernisation des institutions. Un point commun : l’esprit de révolte, cette nécessité d’avancer contre des immobilismes intolérables. Deux générations suivantes, on vénère d’autant mieux le passé qu’il est devenu fantôme. Mai incarne désormais le mois de vacances avant les vacances. Entre les nombreux jours fériés prolongés de ponts et les derniers jours de congés payés annuels à prendre avant le 31 mai, il s’agit de se montrer le plus futé pour être absent de son bureau un maximum de temps. Certains se débrouillent mieux que d’autres. Ainsi l’Education Nationale appelle-t-elle à la grève le 15 mai, il restait un jour dans le mois où l’on travaillait. Avec un peu de chance, le mouvement peut prendre de l’ampleur, certains lycéens escomptant bien relever le flambeau non pas de la flamme olympique, mais de l’esprit de mai, le mois de vacances avant les vacances. Catastrophe ! Le ministre Darcos veut briser l’élan en imposant le service minimum d’accueil. Casseur de grève, que faisais-tu en mai 68 ? As-tu oublié le plaisir des barricades, les A.G improvisées où l’on pouvait dire n’importe quoi, la plage sous les pavés ? Certes, le SMA (la peste soit de ces apocryphes) ne concerne que les écoles primaires mais tout de même, on ne peut tolérer ce dénigrement du Droit de Grève. Heureusement qu’à Paris, Seigneur Bertrand, l’ami du Dalaï-Lama, a pris fait et cause pour protéger ses gueux des dérives du pouvoir élyséen. La capitale, chacun le sait, est réputée pour faciliter la vie des fonctionnaires ; les autres parisiens, ils votent à droite, c’est dire s’ils n’existent pas. Quant aux enfants, quelle importance, c’est le mois des vacances avant les vacances, ils trouveront logique d’enchaîner les jours de congés. Et en 2048, l’esprit de mai embaumera si fort notre société désintégrée que le brin de muguet lyophilisé vendu en pharmacie désignera le premier jour des vacances d’été. Fermeture obligatoire pour quatre mois de la société française. Réclusion organisée dans des lieux sécurisés pour échapper à la pollution estivale. Cryogénisation alternée pour laisser la Terre en jachère. Alors, les syndicats et la gauche derrière son vieux leader Besancenot se dresseront pour protester contre l’atteinte au droit de grève perpétrée par cette nouvelle technologie de la conservation du travail. Fidèles à l’esprit de mai.

@ 04 mai 2008