lundi 1 octobre 2007

LES ROIS DE LA ROUTE

Entre la proposition d’un groupe de travail du « Grenelle de l’environnement » de réduire la vitesse de 10 km/h sur les routes et la volonté du gouvernement de doubler le nombre de radars sur ces mêmes routes d’ici 5 ans, inutile de se demander comment nous allons passer notre temps libre dans le futur. Finis les voitures individuelles à essence : trop polluantes, trop rapides. Nous serons dans des carrosses tirés par des chevaux, ou encore des chaises à porteurs - ça permet de créer des emplois-jeunes facilement. Bien sur, il faudra beaucoup plus de temps pour se déplacer, les maisons de campagne sentiront l’humidité et les grands-parents ne verront plus leurs petits-enfants que pour les congés d’été. Peu importe, le XXe siècle, siècle de la vitesse, est un has been et son successeur sera celui de la lenteur. Pas pour tout le monde naturellement : les convois prioritaires menés par des gendarmes cascadeurs au profit d’élus pressés de rentrer de week-end et d’éviter les embouteillages de la plèbe se multiplient, les sacrant rois de la route. Dans notre république à forte odeur de banane, ceux qui ne sont souvent que des petits marquis adorent bénéficier de menus privilèges, et le droit de ne pas perdre son temps dans les déplacements en est devenu un fameux. Ce scandale permanent ne date pas d’hier : quel homme public n’a pas rêvé d’un beau gyrophare, signe distinctif d’appartenance à une caste de seigneurs plus rare que la légion d’honneur ? Avant de passer aux chars à bœufs, on observe le retour en grâce du vélocipède dans nos cités. Tandis que les professionnels du braquet déraillent à coup de seringues et transforment des épreuves inhumaines en marché de l’OGM, nos amis les bobos s’extasient sur les bienfaits de la pédale, et pas seulement à Paris. Ah ce vélib’, effet secondaire du génocide de l’automobile en milieu urbain, quelle belle machine ! Qui, à part moi et les conducteurs de métro, n’a pas encore essayé ce moyen de locomotion écologique ? Quel bonheur de brûler les feux, d’insulter les piétons qui traversent sans méfiance à leur tour, de slalomer entre les autos en défiant les conducteurs, de mépriser le code de la route que l’on n’a jamais lu. Et le mois prochain, j’achète un scooter pour faire la même chose, mais en allant quatre fois plus vite… Est-ce bien de cette société que nous voulons ? Ce n’est pas mon choix. Devons-nous être une génération sacrifiée sur l’autel des erreurs passées ? Il semble que nous n’avons pas le choix, pour le bien de l’humanité (Mazette, quel poids sur nos épaules !). Pourtant, au lieu de réprimer, de museler et d’admonester, puis de caresser, de stimuler et de récompenser - comme on le fait pour un âne avec le bâton et la carotte - il existe une autre voie, plus créatrice et plus responsabilisante. Elle est plus exigeante et plus longue. Elle nécessite de modifier totalement notre système éducatif perverti par une tradition d’égalitarisme niveleur conjuguée au corporatisme syndical des enseignants. Elle réclame également la mort des télévisions privées, médias de masse coresponsables de l’appauvrissement intellectuel et culturel de notre société. Elle requiert enfin une mise à plat de la hiérarchie injuste imposée entre les formations et les métiers manuels, sportifs et intellectuels. Vaste chantier, utopique sans doute, mais combien plus stimulant que l’implantation de radars sur la nationale 118, soi-disant pour sauver des vies et juguler la pollution, alors qu’il ne s’agit que de totems représentant l’omnipotence de l’Etat. De toute façon, c’est inutile sur la 118, elle est toujours bouchée.

FUTUR IMMEDIAT

Paris, 31 décembre 2022. Résumé de l’allocution de la Présidente Yasmina Zidane, vidéodiffusée en HD sur les plates-formes gratuites et payantes du global media système, ainsi que sur les chaînes de télévision publiques. « Mes chers compatriotes, depuis ma prise de fonction en mai dernier, j’ai eu l’occasion de vous prouver ma détermination à protéger nos frontières des étrangers qui refusent de se soumettre au test ADN obligatoire pour tout nouvel arrivant dans notre pays. Vous vous souvenez peut-être que son instauration pour faciliter le regroupement familial en 2007 par le gouvernement de François Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avait bouleversé l’opinion, rebutant les partis, et attirant les foudres de nombreuses ONG. La droite d’alors, pourtant dominatrice, n’assumait pas ce texte jugé « ignoble » par les communistes, aujourd’hui disparus de l’échiquier politique européen. Les élucubrations les plus farfelues nourrissaient la peur de se faire traiter de raciste, oubliant que l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, la Grande-Bretagne appliquaient déjà une mesure similaire, fondée sur l’ADN. Certains n’hésitaient pas à contester le concept même de famille, expliquant qu’en Afrique, les frères, les cousins, les oncles et tantes vivent sous le même toit constituant aussi une famille. Finalement adoptée, cette loi ouvrait une ère nouvelle. Nous savons aujourd’hui que la biométrie facilite la vie quotidienne, permet de surveiller les délinquants et d’éviter les erreurs judiciaires. N’oublions toutefois jamais que l’immigration contrôlée n’a pu trouver son équilibre que grâce au travail extraordinaire de la CNIL pour éviter les dangereux débordements sur la vie privée. Grâce à sa vigilance et à votre implication citoyenne, mes chers compatriotes, la France est parvenue à maintenir une authentique démocratie républicaine, quand les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde poussaient la logique sécuritaire vers l’autarcie et la dictature ; l’élection de la petite-fille d’un joueur de football d’origine kabyle témoigne du succès de cette politique de contrôle mise en place il y a quinze ans. La patrie des droits de l’homme ne pouvait continuer à accueillir au détriment de ses forces vives toute la misère du monde. Quand la barque est pleine, on ne prend pas le risque de la faire chavirer pour sauver un malheureux de plus. On pense d’abord à protéger ses passagers. Accompagnée de la suppression des 35 heures, de milliers de postes de fonctionnaires partis à la retraite et non remplacés et de la réforme de l’éducation nationale, cette politique courageuse a creusé les fondements de notre société d’aujourd’hui et nous permet d’accomplir en 2023 ce nouveau pas vers l’avenir : la naissance des Etats Européens Unifiés, simplement appelés Europa. Je proposerai ma candidature au nom de la France pour être élue première Présidente d’Europa. Tous les pays protégés par le système Hélice – ce qui exclu donc la Turquie et la Grande-Bretagne – voteront avec leur carte HadéainE sur le site sécurisé du parlement européen pour choisir leur candidat. Je compte sur chacun de vous, mes chers compatriotes, pour permettre à la France de garder sa place dans le concert des nations. Merci de votre attention. »