mardi 13 novembre 2007

LA BATAILLE DU RAIL

"Nous appelons au blocage des gares, une journée avant la grève des cheminots pour montrer que nous sommes solidaires" – La coordination nationale étudiante – 11/11/07
Le 11 novembre 1918, l’armistice entre Français et Allemands était signée dans un wagon-restaurant. 89 ans plus tard, une poignée agitée d’étudiants gauchistes réunis à Rennes rend un hommage par l’absurde au sacrifice de leurs ancêtres en appelant à immobiliser les trains par solidarité avec les cheminots. Chaque époque rend donc l’hommage qu’elle mérite. En 1946, La bataille du rail de René Clément remportait le grand prix du Jury à Cannes en louant la résistance des valeureux conducteurs de train, tous communistes ou presque, spécialistes des sabotages contre les nazis. Plus tard, la lutte a continué pour gagner des droits, devenus ensuite des privilèges qu’il convient de préserver au mépris de la justice. Devant une centaine d’incorrigibles révolutionnaires d’amphithéâtre, une majorité silencieuse de résistants à la chienlit tente de préserver l’avenir du pays, leur avenir. O tempora ! ô mores ! On peut glousser devant la persistance d’une frange de mao-trotskards, qui tels des zombies échappent au fil du temps et se nourrissent au sein de la peur et du mensonge réunis. On ne peut pas accepter la complicité des médias qui portent aux nues cette mascarade, sous prétexte qu’agiter le chiffon rouge créée de l’action et de l’émotion, les deux mamelles de l’audience. La cachexie syndicale utilise les grèves comme une pommade curative : elle ne vaut pas plus qu’un placebo. Et pourtant, les rares nostalgiques du Grand Soir, du 22 mai 68 ou de novembre 1995 bénéficient d’un soutien disproportionné des journalistes de la presse écrite et audiovisuelle. Souvenirs de leur jeunesse sur les barricades, facilité de l’image choc ou tout simplement vengeance de perdants qui cherchent pas tout moyen à faire échouer le gouvernement, certains préfèrent la politique de la terre brulée au respect de la démocratie. Certes, tous les étudiants grévistes n’appellent pas au blocage des gares. Ceux-là n’ont rien compris. Pour jouer au train, il n’existe désormais plus d’autres solutions. En effet, Jouef a disparu depuis les années 1990, et les rachats succédant aux faillites, la production s’est amoindrie et renchérie. On ne trouve plus pour Noel dans les rayons jouets des grands magasins la moindre locomotive ou la plus petite maquette. Les transformateurs sont devenus objets de collection aux cotés des platines-disques et les enfants ne jouent plus au chef de gare en actionnant une petite manette pour le triage. Faute de modélisme ferroviaire accessible, il ne restait plus que la solution de la solidarité avec les cheminots pour ce quarteron d’inconditionnels. L’occasion faisant le larron, le blocage des gares autorisera les plus folles audaces, comme rouler à tombeau ouvert, ou au contraire déguiser le TGV en tortillard et arriver en retard sans risque d’être vilipendé par les voyageurs. Alors, et seulement à cette condition, nous pourrons accepter une déclaration portée par la poésie et l’amour du chemin de fer. Hélas, mon hallucination doit céder le pas au réel. Ces étudiants ne sont que les résidus sans âme d’une société valétudinaire, ultimes spasmes du communisme, ce fléau du XXe siècle qui refuse d’accepter sa mort et puise une nouvelle tentative de rémission dans la folie éphémère de la jeunesse.