jeudi 19 juillet 2007

REVE D’ENFANCE

Lorsque j’étais enfant, vers 9 ou 10 ans, je voulais être Président. Ou Pape. Ca dépendait des jours. Pape, c’était plus vaste, mais je ne croyais pas en Dieu, et cela me semblait éliminatoire pour le poste. Je me souviens de l’élection de 1974, le suspense touchait à son paroxysme. Giscard, non Mitterrand, ah VGE repasse en tête. Oui, il a gagné. Tous les regards, les espoirs, les craintes aussi, convergeaient vers un seul homme, l’Elu. Oui, me dis-je alors, je serais Président de la République, et tout le monde m’aimera, je pourrai faire le bien, les vilains cocos (je savais depuis deux ans qu’il ne s’agissait pas de singes) ne pourront pas nous envahir. Le journal de Mickey sera distribué gratuitement, Saint-Etienne gagnera la coupe d’Europe des clubs champions, et Elvis Presley donnera un concert rien que pour moi. Les rêves d’enfants passent avec le temps, on se penche sur les choses sérieuses comme l’acné, les seins des filles, les manifestations étudiantes et le cinéma. On intègre Sciences-po mais la foi a disparu. Pas pour tout le monde. Certains y croient plus dur que d’autres, et ils ont raison : Nicolas Sarkozy a fait jouer Michel Polnareff sur le champ de Mars, rien que pour lui et quelques autres ; il a fait défiler comme dans son imaginaire de loupiot toutes les armées européennes sur les Champs-Elysées ; il ne lui reste plus qu’à faire gagner le championnat au PSG, mais enfin là, à l’impossible nul n’est tenu. C’est quand même extraordinaire, cette propension à transformer le rêve en réalité ! Et la France, cette vieille coquette trop maquillée, fond pour ce séducteur, enjôleur, baratineur qui trouve les mots pour lui redonner envie de plaire, de faire, d’exister. A marche forcée, à la baïonnette, à la hussarde, elle se fait prendre comme au temps du Général. « Et bien se dit la vieille, qu’on me désire encore, ce serait extraordinaire et pour tout dire inespéré ». Brassens l’a chanté, Nicolas l’a incarné. Ce Nicolas Sarkozy, quel bel homme, pourrait dire Laurent Gerra imitant un Jack Lang conquis à son tour. Et tandis que se poursuit la session parlementaire extraordinaire, les français confiants et repus laissent les clés de la République à leur nouvel héros et s’évanouissent sur les plages humides, dans les montagnes pleines de vélos sans seringues ou au cœur des campagnes si vertes qu’un radar s’est perdu. Dans 45 jours déjà, la fin des amours de vacances : la France se retrouvera-t-elle abandonnée ? Fera-t-elle une poussée de fièvre jalouse : tu ne me regardes plus comme au printemps, Nicolas, tu en aimes une autre, cette Europe bien grasse qui déborde de partout, jusqu’en Turquie. Ou bien cette Afrique cambrée et souriante, j’ai bien vu comment tu voulais la persuader de vivre avec nous si elle accepte de parler français et de faire garder ses enfants par la tribu. Tu m’avais promis que tu m’aimerais toujours, que j’étais la seule. Pas si facile d’être Président ! Après l’état de grâce surgit toujours la crise de confiance, comme dans un couple. C’est à la façon de la gérer que se gagnent ou se perdent les quatre ans et demie qui suivent. Gageons que la dynamique présidentielle ne sera pas enrayée par les pâles et rares rayons de soleil de l’été français. Et si la photosynthèse ne suffit pas, il reste encore les UV.