jeudi 12 juin 2008

BAGUETTE ANGLAISE

"Ce n'est pas parce que je chante en anglais à l'Eurovision que demain matin la baguette sera moins bonne". Sébastien Tellier, représentant français à l’Eurovision 2008.


Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, et Christine Albanel , ministre de la culture et de la communication, en sont bouleversés. Certains députés en perdent le sommeil, d’autres se repassent en boucle France Gall et Marie Myriam. On m’a même rapporté confidentiellement que Céline Dion avait été approché pour former et présider une commission de crise, formée de parlementaires, de professionnels du disque et d’experts psychiatriques. Son objectif : écrire un texte en français à Sébastien Tellier. Non, pas Sébastien Chabal, Sébastien Tellier. Ca ne vous dit rien ? Mais si, notre représentant à l’Eurovision, celui qui chante en anglais. Il semble pourtant que cet évènement surpasse en intensité et en gravité le boycott de la France par un milliard de Chinois, la lente mais inexorable relégation du PSG en ligue 2 et la lente hausse, mais tout aussi inéluctable des prix du carburant. En effet, au pays de Molière, de Voltaire et de Toubon, on ne plaisante pas avec la langue. Passe encore pour une chaîne de télévision à vocation internationale. On peut admettre que tous les étrangers ne comprennent pas la plus belle langue du monde. Quoique… Mais chanter en ANGLAIS, à l’EUROVISION ! Sacrilège, scandale, perte d’identité, reniement de la patrie, en un mot une honte nationale. C'est vrai que l'Eurovision est un concours musical ambitieux, de haute tenue artistique et d'une importance primordiale pour la culture. Citons tous ces noms passés à la postérité : les Olsen brothers, les Sandra Kim, les Lordi, les Bucks Fizz ou les Herreys ont a jamais tracé des sillons profonds dans le sol de la culture musicale mondiale. Pas une journée ne se termine sans qu’une radio ait diffusé Fly on the wings of love ou Diggy-loo-diggy-ley, tubes essentiels qui font ressembler les chansons de Claude François à du Bartok joué par Chostakovitch. Depuis 52 ans, nos candidats ont toujours chanté en français. Nos amis Suisses ont même poussé la francophonie en 1988 à faire défendre leurs couleurs par une québécoise, Céline Dion, dont il est inutile de préciser que sa carrière en fut sérieusement accélérée. Certes, depuis 30 ans, nos tentatives se sont soldées par des échecs et les jurys internationaux ont une oreille plus aimable pour la langue de Sinatra que pour celle de Gainsbourg. Est-ce une raison suffisante pour baisser pavillon ? Non, répondent en chœur nos dignes élus du peuple, bien heureux de détourner l’attention de la populace qui demande du pain en leur offrant des jeux. Quelqu’un m’a également dit que Dany Boon avait été mis à contribution pour imaginer des paroles en Ch’ti. Le gouvernement en a d’ailleurs profité pour lui demander la recette du succès à la française. Pour une fois qu’ils en tiennent un qui fait l’unanimité, autant l’autopsier sur le champ pour en tirer cette substantifique moelle rabelaisienne qui fait notre force : le génie Français. A quelques mois des Jeux Olympiques les plus controversés de l’histoire (en 1936 à Berlin, on n’avait pas fait tant d’histoires, nos ancêtres étaient autrement plus respectueux des régimes totalitaires que nous), une potion magique ne serait pas de trop pour ramener quelques médailles à la mère patrie. Parce que si on compte sur Sébastien Tellier, avec sa chanson en américain, c’est pas gagné…

@ 22 avril 2008

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