jeudi 12 juin 2008

« Il faut faire de l’école un athlète et non plus un sumo » - Xavier Darcos, le 28/01/2008

Il y a 10 ans, Claude Allègre choisissait de comparer l’éducation publique à un mammouth qu’il convenait de dégraisser ; mais le mammouth a écrasé le ministre et a continué à brouter les vertes années de nos enfants. Malgré le réchauffement de la planète, l’éléphantidé ne semble pas suivre le chemin de ses ancêtres et s’est parfaitement adapté aux nouvelles conditions de son équilibre comme les 35 heures, les tailles basses avec string sorti pour les filles ou les caleçons apparents sur jean-sac de patates pour les garçons. Foin d’animalerie, Xavier Darcos, le ministre de l’éducation du gouvernement Fillon ne veut plus tromper énormément. Effet Bernard Laporte ou non, voici le temps du sport-roi. A moins que…Certains pourraient voir dans ce rejet du sumo une critique de Jacques Chirac, pourtant son mentor, et donc un signe d’allégeance à Nicolas Sarkozy. Chacun sait l’intérêt que porte notre ancien président à ce sport nippon, allant jusqu'à appeler son bichon maltais Sumo. Ce serait chercher la petite bête, ce qui, après un mammouth, risque d’être compliqué. Cette critique à l’encontre du sumo est d’ailleurs injuste. Tout d’abord, le sumo est un sport d’hommes, réservé aux hommes, ce qui est devenu très rare. Ensuite, les participants portent pour tout vêtement un mawashi, une bande de tissu serrée autour de la taille et de l’entrejambe, ce qui prouve leur courage. Enfin, les lutteurs ou rikishi sont sans doute un peu enveloppés, ils n’en sont pas moins des athlètes de haut niveau et suivent un régime réglementé avec réveil à 5 heures du matin et absorption du chanko nabe, une sorte de ragoût énergisant, matin, midi et soir. Trouvez-moi un écolier capable de cette astreinte et on en reparle. En réalité, il s’agit une fois de plus de faire le culte du corps, selon un modèle imposé par les magazines remplis page après page de créatures diaphanes et d’éphèbes improbables. Qu’est-ce qu’un athlète aujourd’hui ? Un sportif de haut niveau capable de se dépasser sans prendre de produits dopants ? Un gaillard aux muscles saillants recouverts d’huile, qui respire la force et fait fantasmer les donzelles et les gays ? Un combattant (du grec athlon « combat ») prêt à mourir pour sa patrie et à marcher pour qu’ « un sang impur abreuve nos sillons » ? Jules Ferry, père de l’école publique, laïque et gratuite, était également un partisan zélé de la conquête coloniale française. Il pensait sans doute que des bataillons de lettrés apporteraient une meilleure parole, et avec moins de fautes d’orthographe, aux sauvages du continent noir. Il ignorait en revanche que les athlètes les plus extraordinaires seraient d’origine africaine et se serviraient du sport comme un moyen d’attirer l’attention sur leurs conditions de vie aux Etats-Unis, comme le firent Tommie Smith et John Carlos aux Jeux Olympiques de Mexico. Les professeurs d’éducation physique apprécieront en tout cas cet hommage indirect rendu à leur travail, tandis que ceux de sumo se mettront en grève. Il est triste de penser que cela influera peu sur notre vie quotidienne. Il se peut aussi que les syndicats aient du mal à comprendre les souhaits du ministre et réclament des éclaircissements. Ceux-ci pourraient prendre la forme d’un voyage organisé pour les 800 000 enseignants à destination de Pékin en aout 2008 pour y suivre une formation accélérée en athlétisme. Une délégation pourrait même se rendre depuis la Chine jusqu’au Japon pour y constater de visu la faillite d’un système qui prend les sumos pour des Dieux alors que nous savons qu’ils ne sont même pas des athlètes. Au fait, combien de médailles avons-nous rapporté des derniers championnats du monde d’athlétisme ? Ah, deux ! On peut faire de l’école un athlète américain, please ?
@ 29 janvier 2008

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